La mode circulaire permet-elle vraiment d'éviter des émissions de CO2 ?
Quand nous avons commencé à travailler sur la compensation carbone avec Vestiaire Collective, comme à chaque fois qu'on considère un nouveau projet, on s'est demandé :"Est-ce qu'on pourrait mettre notre main à couper que le projet permet bien d'éviter des émissions de gaz à effet de serre ?"
Or on connaît le problème de l'impact environnemental des vêtements : c'est une question de volume. On produit trop, toujours trop de vêtements. Selon l'évidence que "le vêtement qui émet le moins est celui qui n'a pas été produit", on pourrait donc penser que la mode circulaire — vintage ou seconde main — permet mécaniquement d'éviter des émissions de CO2.
Mais quand on parle d'empreinte carbone, le diable est toujours dans les détails. On s'est donc penchés de très près sur le sujet avec Vestiaire Collective. Et, comme d'habitude, on a voulu partager avec vous les principaux enseignements de ce travail. C'est (un peu) long et (très) instructif, car on y apprend à quelles conditions la mode circulaire permet d'éviter des émissions carbone.
Rien que ça.
Inuk est une entreprise française, spécialiste de la contribution carbone. Inuk a développé en 2018 la première technologie de traçabilité appliquée au crédits carbone. Nous proposons aux entreprises des crédits carbone made in Europe parmi les plus fiables du marché. Nos équipes accompagnent aussi au quotidien des entreprises de toute taille dans leur transition bas-carbone.
Déjà, pourquoi s'intéresser aux vêtements ?
Tout simplement parce l'industrie textile figure parmi les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre (GES), avec près de 10 % des émissions mondiales selon l’ADEME (ADEME 2024). Cela place le secteur au même niveau d'impact que des économies nationales : 10 %, c'est la contribution aux émissions de GES mondiales de la France, de l'Allemagne et du Royaume-Uni combinés.
Et il se trouve qu'on a un mal fou à décarboner notre manière de produire des vêtements. Si on va dans le détail, les émissions de GES d’un produit textile se font à chaque étape de son cycle de vie :
  • l'acquisition et le traitement des matières premières (culture du coton, production de fibres synthétiques)
  • la transformation (filature, tissage, teinture, confection)
  • la distribution (transport, stockage, vente)
  • l'utilisation (lavage, séchage, entretien)
  • et la fin de vie (collecte, tri, recyclage ou élimination).
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, c'est la phase de transformation qui est la plus émettrice dans ce cycle de vie. Cela varie bien sûr en fonction de la ligne de production et des matières utilisées, mais globalement, selon l'ADEME, 30 à 50 % des émissions proviennent de la phase de transformation. Pourquoi ? Parce qu'elle englobe l'ensemble des processus de production mécanisés : cardage, filature, tissage, tricotage, teinture et finition. Ces opérations requièrent des équipements industriels lourds, qui consomment de l'énergie de manière intensive. Par exemple, les cuves de teinture nécessitent que l'eau soit chauffée à 100°C. Et en règle générale, qui dit chaleur dit énergie fossile — et donc facture carbone très salée.
Mais même pour les machines qui fonctionnent à l'électricité, l'impact carbone est catastrophique… à cause de la localisation géographique. La production textile mondiale est majoritairement concentrée en Asie, où l'électricité est produite principalement par des centrales à charbon et à gaz naturel. Cette dépendance aux énergies fossiles transforme chaque étape en explosion d'émissions carbone.
Enfin, s'ajoute à cela le fait que les matières premières elles-mêmes sont problématiques : 70 % des fibres du secteur de l'habillement sont du polyester, lui-même un dérivé du plastique, lui-même un dérivé du … pétrole. Il existe bien sûr des matières écologiques et l'éco-conception peut être une approche intéressante, mais de manière marginale — et parfois quasi-inexistante à cause de l'effet rebond. Si vous voulez creuser ce sujet, cet excellent article de Loom est une mine d'informations.
Selon l'association En Mode Climat, pour respecter les Accords de Paris, il faudrait réduire les volumes de production textile d'un facteur trois sur les trente prochaines années. C'est colossal.
En résumé, l'industrie textile est biberonnée aux énergies fossiles. On a trop de vêtements neufs, dont la production est quasi-impossible à décarboner dans les conditions actuelles du marché. Alors on fait quoi ?
La seconde main : solution à tout ?
C'est ici que la seconde main émerge comme la solution structurelle la plus immédiate pour réduire l'impact environnemental de la consommation textile : on prolonge la durée de vie d'articles déjà produits, permettant d'éviter les émissions liées à la phase de production — et ça n'est pas rien, puisque chaque article prolongé évite intégralement les 30 à 50 % d'émissions liées à la phase de production industrielle. En plus de ça, on n'extrait pas davantage de ressources. All good ?
En fait, ce n'est pas si simple. D'abord parce, même s'il semble logique que la seconde main permette d'éviter des émissions, il est compliqué de le mesurer de manière tangible.
C'est quoi des émissions évitées ?
Les émissions évitées correspondent aux émissions de gaz à effet de serre qui ne sont pas produites grâce à une intervention spécifique, en comparaison à une situation de référence sans cette intervention. Ici, les émissions évitées résultent de l'achat d'un produit de seconde main en lieu et place d'un produit neuf.
Le calcul des émissions évitées repose sur une comparaison entre deux scénarios distincts :
  • Le scénario de référence représente ce qui se serait passé en l'absence de la possibilité d'acheter de la seconde main.
  • Le scénario Projet correspond à la situation réelle : ici, l'achat d'un produit de seconde main.
Mais une fois qu'on a dit ça, on n'a pas dit grand chose, car tout dépend de la capacité à mesurer efficacement les émissions associées à ces deux scénarios. Chez Inuk, nous avons l'habitude de ce type d'exercice — heureusement vous me direz, pour un Standard de contribution carbone spécialisé dans les émissions évitées. Mais le plus souvent, nous travaillons avec des projets d'énergie qui sont plutôt faciles à mesurer : qui dit énergie dit compteurs, relevés etc : bref plein de données "en dur". Ici, ça n'est pas le cas. On s'est donc bien creusé les méninges pour proposer une méthodologie robuste.
Étape 1 : Identifier un scénario de référence
Le scénario de référence correspond à ce qui se passe habituellement, le "business as usual". Dans ce cas précis, nous essayons donc de répondre à la question : combien émet l'achat d'un vêtement ? Après avoir fait un petit tour de la littérature scientifique sur le sujet, nous avons décidé de nous pencher sur le EU Product Environmental Footprint (le PEF, de son petit nom). Pour faire rapide, le PEF nous donne des informations détaillées sur l'impact environnemental — et donc carbone — de différents produits, pour le territoire européen. On y apprend par exemple qu'un T-shirt commercialisé en Europe est composé en moyenne à 70 % de coton et a une empreinte carbone moyenne de 8,82 kgCO2e, pour un poids moyen de 170 g.
L'énorme avantage du PEF, c'est que la méthodologie est basée sur des données réelles du marché européen. Il existe bien sûr d'autres indicateurs, mais la plupart reposent sur des informations partielles ou ne prennent pas en compte l'ensemble du cycle de vie. Sa faiblesse, c'est que ces données ne sont valables que pour le territoire européen : nous n'avons aucune donnée du même niveau de qualité sur d'autres géographies. Afin de garantir la qualité de notre scénario de référence, nous avons donc choisi de ne prendre en compte que le périmètre européen sur l'ensemble de la méthodologie. Autrement dit, comme le PEF ne concerne que des achats faits en Europe, nous ne prendrons en compte dans le scénario Projet… que les achats faits en Europe.
Une bonne chose de faite.
Étape 2 : Mesurer le scénario Projet
Maintenant que l'on sait à quoi se référer pour le scénario de référence, penchons nous sur le scénario Projet. À l'étape précédente, on a choisi pour périmètre les achats faits en Europe via la plateforme de seconde main Vestiaire Collective. Alors, comment on mesure tout ça ?

Continuons avec notre exemple de T-shirt : s'il est de seconde main, c'est donc qu'il a déjà été fabriqué. On peut, en théorie, ne pas comptabiliser ces émissions-là (je simplifie, car en réalité on prend en compte une partie de la fabrication en fonction de la durée de vie ; si vous voulez vous pencher sur le détail, la méthodologie intégrale est là pour ça). En revanche, pour que ce T-shirt soit vendu, il a bien fallu le mettre en ligne, puis le vérifier, puis le transporter. Ça, il faut le prendre en compte. Depuis 2021, Vestiaire Collective conduit un bilan carbone annuel complet et détaillé : on a donc toutes les informations à la source pour ce qui concerne les opérations et le transport. Reste à évaluer les émissions associées à l'utilisation des produits (ce T-shirt, il va bien être lavé) et à sa fin de vie, et on aura un périmètre complet.
Petit aparté sur le neuf structurel
Le neuf structurel, c'est quand des vendeurs mettent en ligne des articles neufs, jamais portés, sur des plateformes de seconde main. Parfois, ce sont des revendeurs professionnels qui utilisent les plateformes comme canal de distribution. Ces articles-là ne remplacent pas un achat neuf : ils SONT un achat neuf, qui transite simplement par un autre canal. Vestiaire Collective vérifie chacun des articles sur le plateforme et est donc capable d'identifier ces produits, qui ont été exclus du périmètre.
On s'arrête là ? Évidemment non. Tout plein de questions se posent encore !
Étape 3 : Répondre (le plus précisément possible) aux questions qui fâchent
  • Est-ce que la seconde main remplace vraiment du neuf ?
C'est une question centrale. Car si les gens qui achètent de la seconde main n'auraient de toute façon pas acheté de neuf, ou l'ont fait en plus d'avoir acheté du neuf, alors on n'évite rien du tout. Pour mesurer cela, on utilise ce qu'on appelle le taux de substitution. C'est le pourcentage d'achats de seconde main qui remplacent effectivement un achat neuf. Et là, ça devient très intéressant.
La littérature sur le sujet nous donne les indications suivantes : le taux de substitution, en fonction des situations et notamment de la qualité des produits, varie de 30 à 90 %. Cette fourchette très large nous donne une première indication fondamentale : le fait qu'un article soit de seconde main ne suffit pas en soi à éviter des émissions ; il faut pouvoir démontrer qu'il a remplacé un achat neuf.
Le rôle du porteur de projet va donc au-delà de la simple mise en relation : il doit avoir les moyens de connaître les motivations d'achat de ses clients. C'est le cas de Vestiaire Collective, qui dispose de données fiables à ce sujet : chaque année, l'entreprise conduit auprès de ses consommateurs une étude statistiquement représentative et vérifiée par un tiers. Cette étude fixe le taux de substitution à 85 %.
  • Est-ce que les achats de seconde main favorisent vraiment la circularité ?
L'achat de seconde main suppose qu'il y a un vendeur, et que donc ce vendeur lui-même tire un revenu de cette activité. Si ce revenu est réinvesti dans l'achat de neuf, on peut argumenter que la seconde main ne permet pas vraiment d'éviter des émissions. On parle d'effet rebond.
Pour mesurer efficacement l'impact de l'effet rebond, on doit là aussi disposer de données fiables. Et, là aussi, Vestiaire Collective conduit chaque année une étude représentative et vérifiée par un tiers. Son résultat : 12,5 %. Cela signifie que dans 12,5 % des cas, le revenu tiré de l'achat de seconde main permet de financer du neuf. Il convient donc de prendre en compte cet effet rebond dans le périmètre méthodologique.
  • Est-ce que comparer un vêtement vendu sur une plateforme de seconde main à un vêtement européen moyen a vraiment du sens ?
Cette question-là, vous ne l'avez peut-être pas vue venir, mais elle est importante. Elle revient à s'assurer que les données d'entrée que nous avons choisies pour le scénario de référence (souvenez-vous, le fameux PEF) sont pertinentes. Comme l'a souligné très justement Mathilde Carles, co-fondatrice de la marque de seconde main Cent-Neuf lors de la consultation publique : "Est-il pertinent de comparer Vestiaire Collective à des produits moyens ? Est-ce qu'on ne risque pas de surestimer les émissions évitées ?"

Je vous explique. Dans ce fameux PEF, nous avons une donnée moyenne pour 13 catégories de vêtements (t-shirts, robes, etc). Pour chaque catégorie, nous avons une composition moyenne, qui nous permet de déterminer l'empreinte carbone moyenne d'une pièce de cette catégorie. En miroir de cette approche, il nous faut donc regarder plus précisément à quoi ressemblent un T-shirt ou une robe "type" vendus par Vestiaire Collective.
Nous avons fait l'exercice pour chaque catégorie : il se trouve que les produits vendus par Vestiaire Collective sont composés en moyenne de matière plus émettrices (mais de meilleure qualité) que le T-shirt moyen. Les émissions évitées consistant à faire une soustraction entre les deux scénarios, il n'y a donc aucun risque de surestimation. Ce serait plutôt l'inverse : en faisant cela, on risquerait, à la marge, de sous-estimer les émissions évitées par le Projet.
Nous assumons cette position, qui a d'ailleurs guidé l'ensemble des choix faits dans le cadre de cette méthodologie : nous sommes le plus conservateurs possibles pour ne risquer en aucun cas de surestimer les émissions évitées. Car souvenez-nous, on l'a dit en intro : on veut pouvoir mettre notre main à couper que les émissions ont bien été évitées (et personnellement, je tiens à ma main).
  • Est ce que la seconde main permet vraiment de prolonger la durée de vie d'un vêtement ?
Ici, la réponse est un peu contre-intuitive, car on pourrait penser qu'un vêtement de seconde main a déjà été utilisé et porté, et donc risque de s'abîmer plus vite et donc de durer moins longtemps une fois acheté. En réalité, cela dépend vraiment de quel vêtement on parle.
Je reprends les mots de Mathilde Carles, qui l'explique de manière limpide : "Il est avéré qu’un vêtement de seconde main qui a traversé les années est de meilleure qualité qu’un vêtement neuf dans une gamme de prix similaire, pour plusieurs raisons. Premièrement, la confection était meilleure il y a vingt ans (en témoigne le chiffre selon lequel l'espacement des points de couture a été multiplié par deux en vingt ans). Un vêtement vintage est donc moins susceptible de se découdre et de demander une réparation. De la même manière, les boutons et zips sont plus solides sur les vêtements vintage. Cela peut paraître contre-intuitif, mais si j’achète aujourd’hui deux robes à 50 €, une en seconde main des années 1980 et une neuve, statistiquement la robe vintage ira moins vite à la poubelle que la neuve."
Il est donc fondamental de considérer le type de vêtements proposés sur la plateforme Vestiaire Collective. Depuis 2022, la plateforme a interdit la revente d’articles issus de la fast fashion et de l’ultra-fast fashion, avec 60 marques bannies. La qualité du vêtement est donc assurée, ce qui nous permet de savoir qu'il peut avoir plusieurs vies. Toutefois, fidèles à notre principe d'utiliser des hypothèses conservatrices, nous avons choisi de retenir le chiffre de 90 % pour la durée de vie. Ce chiffre est issu du Frame Project, qui a mené en 2024 une étude complète sur l'impact des plateformes de seconde main. Il nous paraît juste car il permet de prendre en compte une usure éventuelle lors de la première vie du produit, ainsi que la diversité d'articles disponibles sur la plateforme Vestiaire Collective.
Revenons-en à notre question de départ : est-ce que la seconde main permet vraiment d'éviter des émissions ? Dans le cas de Vestiaire Collective, oui. Mais rien ne nous permet de l'affirmer pour n'importe quelle autre plateforme de seconde main qui ne disposerait pas de données fiables sur ce qui est mis en vente sur la plateforme, sur le taux de substitution ou sur l'effet rebond.
D'après nos calculs, Vestiaire Collective évite environ 25 000 tonnes de CO2 par an pour 1,5 million d'articles vendus en Europe. C'est l'équivalent des émissions annuelles de 2 500 Français. Mais — et c'est important — ce chiffre n'est valable que parce que :
Le taux de substitution est élevé (85 %), même si pas parfait
L'effet rebond est pris en compte et déduit (12,5 %)
Le neuf structurel et la fast fashion sont exclus de la plateforme
Chaque article de luxe est authentifié pour garantir qu'il aura vraiment une seconde vie de qualité
Si on enlevait ne serait-ce qu'un de ces éléments, les émissions évitées s'effondreraient. C'est pour cela qu'on insiste autant sur la rigueur de la méthodologie.
Des émissions évitées au crédit carbone
Maintenant, parlons d'un sujet qui peut sembler contre-intuitif : pourquoi Vestiaire Collective a-t-elle besoin de crédits carbone ? La plateforme existe depuis 2009, elle fonctionne bien, elle a des millions d'utilisateurs. Pourquoi créer des crédits carbone maintenant ?
Pour comprendre, il faut d'abord saisir le paradoxe dans lequel se trouve aujourd'hui tout le secteur de la seconde main.
Le paradoxe de la seconde main : indispensable mais fragile
D'un côté, comme on l'a vu en introduction, la seconde main est reconnue comme essentielle pour la décarbonation de l'industrie textile. Mais de l'autre côté, le secteur peine à atteindre un équilibre économique viable. Et le problème s'aggrave.
En nous plongeant dans les chiffres de Vestiaire Collective, on remarque que le coût moyen d'authentification par article est de 15 €. Et c'est incompressible, quel que soit le prix de vente. L'investissement technologique et humain dans les activités de vérification et d'authentification représentent près de 12 % du revenu de Vestiaire Collective, ce qui est considérable. Pire que cela, il arrive parfois que ces actions soient vues comme un frein à la rentabilité économique.
Vous voyez le problème ? L'authentification coûte 15 €, que l'article soit vendu 50 € ou 5 000 €. Sur un vêtement à 95 €, c'est près de 16 % du prix qui part uniquement dans la vérification. Et on n'a même pas encore parlé de la logistique, de la plateforme technologique, du SAV, etc. En parallèle, les plateformes de seconde main, avec leurs 50 % de marge, ne peuvent absolument pas se permettre les dépenses massives en marketing et publicité qu'engagent les marques classiques. En découle un déficit de visibilité qui freine le développement de ce secteur pourtant indispensable.
La pression de l'ultra-fast fashion : le coup de grâce
Comme si ce n'était pas suffisant, il y a pire : l'ultra-fast fashion est en train de tuer la seconde main. En produisant massivement des vêtements de piètre qualité à bas coût, Shein, Temu et consorts ont enclenché un système dévastateur qui va bien au-delà de la manière désastreuse dont leurs pièces sont fabriquées. Ces vêtements inondent le marché, n'ont aucune valeur de revente, et pourtant certains finissent sur des plateformes de seconde main. Résultat : les vraies enseignes voient leur modèle économique s'effondrer.
En avril 2025, Omaj, acteur prometteur de la seconde main en France, a dû entamer une procédure de liquidation judiciaire. En juillet 2025, Le Relais, principale enseigne de collecte de vêtements en France, a annoncé cesser cette activité. La raison ? La pression de l'ultra-fast fashion était devenue trop forte, littéralement impossible à absorber. C'est vertigineux.
Pourquoi l'authentification est non-négociable
Face à cette pression économique, la tentation serait grande de rogner sur les coûts. Et le poste le plus coûteux, c'est l'authentification. Mais voilà : cette authentification est cruciale. C'est elle qui garantit :
  • Qu'on ne vend pas de contrefaçons (qui n'ont aucune valeur de revente et finissent à la poubelle) ;
  • Qu'on ne vend pas de neuf structurel déguisé en occasion ;
  • Qu'on ne vend pas de fast fashion qui n'a pas de vraie seconde vie ;
  • Que les articles ont vraiment la qualité pour durer.
Sans cette authentification rigoureuse, tout le modèle s'effondre d'un point de vue environnemental. On ne fait plus de la vraie seconde main, on fait du greenwashing. Mais d'un point de vue économique, c'est une charge très lourde à porter, surtout quand on voit d'autres acteurs du secteur faire faillite les uns après les autres.
Le rôle des crédits carbone : financer l'exigence
C'est là que les crédits carbone interviennent. Mais attention, ils ne financent pas le développement de la plateforme ou son expansion commerciale. Ils visent à soutenir spécifiquement trois choses :
  1. Le renforcement de la curation et de l'authentification : technologies anti-contrefaçon, formation des équipes, processus de vérification… tout ce qui permet de maintenir l'exigence de qualité et d'éliminer le neuf structurel et la fast fashion.
  1. L'amplification des émissions évitées : campagnes d'éducation des consommateurs pour encourager une consommation plus responsable (acheter moins mais mieux, privilégier la qualité, choisir la seconde main), amélioration continue de la méthodologie, extension du scope des produits éligibles.
  1. La décarbonation opérationnelle : réduction de l'empreinte carbone des activités propres de la plateforme (logistique, entrepôts, emballages, etc.).
En d'autres termes, les crédits carbone créent un cercle vertueux : plus la plateforme est rigoureuse sur la qualité et l'authentification, plus elle évite d'émissions, plus elle génère de crédits carbone, plus elle peut investir dans la rigueur et l'authentification.
Sans ce mécanisme, dans un contexte économique où la fast fashion écrase tout sur son passage, maintenir un niveau d'exigence élevé devient économiquement intenable. Avec les crédits carbone, l'exigence environnementale devient un avantage économique.
C'est ça, le principe d'additionnalité. Il ne s'agit pas de prétendre que le projet n'existerait pas sans les crédits carbone, puisque Vestiaire Collective a été créé en 2009. Mais d'établir que "le niveau d'exigence nécessaire pour que le projet ait un vrai impact environnemental ne serait pas tenable économiquement sans les crédits carbone, surtout dans le contexte actuel où l'ultra-fast fashion détruit le marché de la seconde main."
La seconde main ne suffit pas
Au début de cet article, on se demandait si la mode circulaire permettait vraiment d'éviter des émissions de CO2. Et comme toujours dans le monde de la compensation carbone volontaire, la réponse n'est tellement pas simple qu'elle exige des articles de 23 000 signes (vrai chiffre).
La réponse courte, c'est que dans le cas de Vestiaire Collective, oui. Mais ça n'est pas parce que c'est une plateforme de seconde main. C'est parce que c'est une plateforme de seconde main qui garantit la qualité des produits vendus, et qui fait des bilans carbone et mène des études grâce auxquels on peut construire une méthodologie solide. En d'autres termes, si on devait appliquer aujourd'hui la même approche à l'empreinte environnementale d'une autre plateforme (je ne vise personne…) eh bien on n'arriverait certainement pas au même résultat.
Oui, la mode circulaire peut permettre d'éviter des émissions carbone. Mais proposer de la seconde main ne suffit pas.
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